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Débat : Quelle éducation en Mauritanie ?

vendredi 27 juillet 2012


Le droit à l’éducation est un droit fondamental indispensable à l’exercice des autres droits. Il est consacré par plusieurs instruments internationaux de protection des droits de l’homme.

L’éducation occupe une place de choix dans le droit international des droits de l’homme et la communauté internationale y accorde une attention particulière en tant que condition essentielle de la paix et du développement. Elle favorise la compréhension ainsi que la tolérance entre les peuples.

L’obligation qui incombe aux Etats est d’assurer à tous le plein et l’égal accès à l’éducation et réaliser l’idéal d’une chance égale d’éducation pour chacun. Cette obligation pesant sur les Etats d’offrir un système d’enseignement suffisant ne peut s’apparenter au droit, pour celui-ci, d’ériger l’activité d’enseignement en monopole public. Aujourd’hui, le droit à l’éducation est fortement relié ou même assujetti au principe de l’adaptation culturelle.

A cet effet, on peut souligner que la dimension linguistique reste essentielle dans les politiques éducatives connues par la Mauritanie et permet de mettre en lumière la présence de la question identitaire au niveau des dirigeants du pays. Pour mieux cerner la problématique mauritanienne du droit à l’éducation, il importe de confronter le contenu dudit droit au projet éducatif mauritanien. Il s’agit de l’acceptabilité, de l’accessibilité, de l’adaptabilité et de la disponibilité.

Le principe de l’acceptabilité

Le contenu du droit à l’éducation s’articule autour de sa caractérisation quadripartite mise en place par Katarina TOMASEVSKI première rapporteuse spéciale des Nations Unies sur le droit à l’éducation. Cette caractérisation a été reprise et développée par le Comité des droits économiques sociaux et culturels dans son observation générale n°13 de 1999.

Le Comité considère ainsi que les Etats ont l’obligation de, « Faciliter l’acceptabilité de l’éducation en prenant des mesures concrètes pour faire en sorte que l’éducation convienne du point de vue culturel aux minorités et aux peuples autochtones... ». Sous le vocable d’acceptabilité on doit comprendre que, « La forme et le contenu de l’enseignement y compris les programmes scolaires et les méthodes pédagogiques, doivent être acceptables (par exemple pertinents, culturellement appropriés et de bonne qualité), pour les étudiants et, selon que de besoin, les parents, sous réserve des objectifs auxquels doit viser l’éducation tels qu’ils sont énumérés au paragraphe 1 de l’article 13 et des normes minimales en matière d’éducation qui peuvent être approuvées par l’Etat ».

Là, le comité tente de trouver un compromis entre le respect des identités culturelles des apprenants et les impératifs qui résultent des objectifs de l’éducation. Une ouverture est faite ici aux Etats pour réglementer l’éducation selon leur ordre juridique interne. Le droit de participer à la vie culturelle de son choix qui implique une dimension éducative peut être une revendication légitime des communautés apprenantes.

Le principe d’accessibilité

Sous la notion d’accessibilité, est tout d’abord visée l’interdiction de la discrimination dans l’accès à l’enseignement. La discrimination prohibée concerne tout autant les discriminations directes que les discriminations indirectes. Les pratiques ou les normes apparemment neutres qui, en réalité, sont intentionnellement ou non intentionnellement susceptibles d’entraîner un désavantage particulier pour une catégorie spécifique des personnes, les victimes de l’esclavage par exemple, sont visées. De ce fait, le droit à l’éducation ne doit pas être mis en œuvre sans tenir compte des spécificités de chacune des communautés apprenantes.

Au delà du principe de non discrimination, l’accessibilité vise également l’accessibilité géographique et surtout, l’accessibilité économique. Face à cette exigence, la Mauritanie ne semble pas fléchir. Des pratiques discriminatoires existent toujours et le problème est rendu grave par l’existence de l’esclavage. Alors qu’il est communément admis que l’éducation doit être accessible à tous, en droit et en fait, notamment au groupes les plus vulnérables sans discriminations fondée sur une quelconque des considérations sur lesquelles il est interdit de la fonder. A cet effet, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur l’esclavage constate que des victimes de l’esclavage et d’anciens esclaves ont fait état de la discrimination qu’ils subissent en matière d’accès à la justice, d’égalité des chances dans l’emploi et d’accès aux services de base tels que l’éducation. En ce sens, on doit reconnaitre que le système éducatif mauritanien reste archaïque tant par le contenu des programmes scolaires que par les méthodes pédagogiques qui ne met pas l’accent sur l’importance de la lutte contre les discriminations. D’autant plus que l’enseignement doit se faire aujourd’hui en tenant dûment compte du stade de développement des enfants et du contexte socio-culturel pour donner sens au principe du respect des droits fondamentaux.

Le principe de l’adaptabilité

Quant à l’exigence d’adaptabilité, elle signifie que, « L’enseignement doit être souple de manière à pouvoir être adapté aux besoins des sociétés et des communautés en mutation, tout comme aux besoins des étudiants dans leur propre cadre social et culturel ». C’est ainsi que lorsque les Etats intègrent l’enseignement du fait culturel dans les matières des programmes d’étude, indépendamment des modalités de dispense, les parents d’élèves peuvent légitimement demander à ce que de telles matières soient enseignées de manière à répondre aux critères d’objectivité et de pluralisme, et par extension aujourd’hui les parents peuvent exiger un enseignement répondant à leurs aspirations culturelles. Le débat fait rage en Mauritanie, mais il ne suffit pas d’aborder cette question avec passion sans sortir une proposition concrète.

Le principe de disponibilité

Le droit à l’éducation souffre par ailleurs, d’une effectivité encore relative en Mauritanie. Dans ce pays, l’éducation est considérée pour la plupart de ses composantes comme un droit à la réalisation progressive. Les efforts fournis dans ce secteur restent faibles par rapport aux besoins exprimés. C’est ainsi que, « Contrairement à la priorité affichée pour le secteur de l’éducation, les ressources publiques pour l’éducation en proportion du PIB ont fortement baissé passant de 5.2 % en 1985 à 3,5 % en 1998, soit une diminution d’un tiers. L’effort public sur les ressources nationales en faveur de l’éducation est inférieur à l’effort moyen (4,0 %) des pays pauvres endettés africains (PPTE) ». Cette attitude méconnait le principe de la triple obligation des Etats à savoir, l’obligation de respecter, de protéger et de mettre en œuvre le droit à l’éducation.

En conclusion, nous pouvons noter que l’école est, en général, le lieu de confluence de plusieurs cultures ainsi que de plusieurs langues. Face à un monde caractérisé de plus en plus par l’hétérogénéité culturelle, elle est sommée de s’adapter. Et nous pouvons constater avec l’UNESCO à travers, notamment, les nombreux efforts en faveur de l’éducation interculturelle que : « Dans un monde qui connaît des transformations rapides et où les bouleversements culturels, politiques, économiques et sociaux remettent en cause les modes de vie traditionnels, l’éducation a un rôle majeur à jouer pour promouvoir la cohésion sociale et la coexistence pacifique. Par des programmes encourageant le dialogue entre étudiants de différentes cultures, croyances et religions, l’éducation peut apporter une contribution importante et significative à des sociétés durables et tolérantes. L’éducation interculturelle est une réponse à un défi, celui de dispenser une éducation de qualité pour tous ».

BA Youssouf

Rédacteur en chef du site www.flere.fr

Source : www.flere.fr