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TV : « Abderrahmane Sissako, cinéaste aux semelles de vent »

mercredi 24 mai 2017


Notre choix du soir. De la Mauritanie à la Chine, Valérie Osouf dessine avec sensibilité le portrait du réalisateur de « Timbuktu » (sur Arte à 22 h 30).

Il vient d’un pays de sable, de vents et de nomades, et son œuvre s’en ressent. Le réalisateur Abderrahmane Sissako est né dans le sud de la Mauritanie, a grandi au Mali et a été formé en Russie sous la direction du cinéaste géorgien Marlen Khoutsiev. Dans le cadre du Festival de Cannes, Arterend hommage, mercredi 24 mai, à cet éternel voyageur en diffusant Timbuktu, le film qui l’a révélé au grand public avec ses sept Césars en 2015, dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur.

A 22 h 30, la soirée se poursuit par un documentaire intime au titre sans équivoque : Un cinéaste aux semelles de vent. Le réalisateur y apparaît de prime abord sur une voie ferrée au milieu des dunes. Le train qui y circule est l’une des fiertés de la Mauritanie. Avec ses 200 wagons, il est l’un des plus longs du monde et transporte le fer, sur près de 700 km, des mines de Zouérat au port de Nouadhibou.

La carrière et la vie d’Abderrahmane Sissako n’ont pas suivi la même trajectoire rectiligne que ce célèbre train minéralier.Pour tourner ce portrait, Valérie Osouf s’est rendue sur les lieux où le réalisateur a vécu et a lui-même tourné. En Afrique, elle s’est imprégnée des ambiances bruyantes et chaleureuses de Bamako, elle a marché dans les rues ensablées de Nouakchott puis sur la longue plage de Nouadhibou, célèbre pour ses dizaines d’épaves de navires.

Le film est rythmé par différents entretiens avec le cinéaste. Avec une certaine sérénité, celui qui « partageait chaque jour le plat commun avec ses 14 frères et sœurs et de nombreux cousins » confie ses blessures d’enfance. « Je me sentais impuissant, écrasé, fragile, se souvient-il. J’avais peur de ne pas pouvoir faire ce que je voulais. »

Salué par Martin Scorcese

Les angoisses n’ont pas disparu. « Je suis toujours dans le doute, une qualité indispensable pour faire des films », assure Abderrahmane Sissako, dont l’esthétique et la profondeur des images sont saluées dans le documentaire par Martin Scorsese.

Si l’Afrique est le berceau du réalisateur, elle est aussi à la source de son cinéma, le fil conducteur de sa carrière. Qu’il s’agisse de Bamako, qui imagine le procès de la société civile africaine contre la Banque mondiale et le FMI, ou de Timbuktu, qui décrit l’arrivée d’islamistes dans la « perle du désert » et l’instauration de la charia, chaque long-métrage est le fruit d’une observation minutieuse, voire d’une introspection du continent.

Mais l’Afrique ne fait pas tout. C’est Canton, certes la ville la plus africaine de Chine « où chacun vient avec sa petite idée de business en tête », qui servira principalement de décor à son cinquième long-métrage. On aperçoit le cinéaste flâner dans les rues de la mégalopole pour s’imprégner de l’ambiance, rencontrer des habitants qui, comme la plupart des personnages de ses films, partagent une certaine forme d’humilité.
Le cinéaste, qui n’a aucun passif historique avec l’empire du Milieu, entend explorer les relations parfois douloureuses de la Chinafrique, y compris dans l’intimité des couples sino-africains. « Au début, son père ne voulait même pas me voir », lui raconte un jeune homme en regardant son épouse chinoise assise à côté de lui. Avec le temps, des liens se sont finalement tissés entre les deux familles, et un voyage en Afrique a même été organisé. S’il est une constante dans la vie d’Abderrahmane Sissako, c’est qu’il n’y a pas de voyages sans rencontres.

Abderrahmane Sissako, cinéaste aux semelles de vent, de Valérie Osouf (Fr., 2017, 50 min).

Source : LeMonde.fr